Edgar Wright est un des rares réalisateurs en circulation qui nous offre pour chacun de ses projets des scénarios originaux tout bousculant les genres. Après avoir touché au film de Zombie rocambolesque (Shaun of The Dead), le buddy movie musclé (Hot fuzz), le film de super héros survolté (Scott Pilgrim vs The World), l’invasion d’extraterrestre paumé (At World’s End) et la film de braquage rock n roll (Baby Driver), il s’attaque cette fois-ci au Giallo italien, teinté de comédie musicale, avec Last night in Soho. Par contre,mettre Last Night in Soho dans une catégorie, serait une grave erreur car Wright a plus d’un tour dans son sac et propose un mélange de genre étonnant et rafraichissant.

Voyage Temporelle musicale
Last Night raconte l’histoire d’Eloise, une jeune idéaliste qui rêve de devenir styliste. Elle a le don de voir les choses que d’autres ne voient pas depuis la mort de sa mère. Une occasion se présente lorsqu’elle est accepté dans une école de mode en plein centre de Londres. Tout semble lui sourire jusqu’à ce qu’elle découvre l’envers du décor du monde de la mode. Elle décide alors de se frayer elle – même son chemin vers la gloire. En louant une chambre d’appartement paumée dans un étrange motel, elle ouvre une porte temporelle dans le passé et se met à vivre dans la peau d’une diva des années 60 (Sublime Ana Taylor Joy) qui souhaite percer dans le monde du spectacle. Bientôt la ligne entre rêve et réalité commence à disparaitre et Ellie découvre un univers cauchemardesque qui commence à avoir une emprise maléfique sur sa santé mentale.

Trop en dévoiler serait un blasphème car Last Night in Soho est un film qui se vit à travers sa façon déconcertante de changer de rhythme tel un morceau de Jazz. Commençant comme une comédie pour ado, il bascule tout de suite dans la comédie musicale des années 60. Accompagné par une mise en scène vertigineuse, chaque plan semble avoir été calculé au millimètre près. Le spectateur est projeté dans des morceaux de bravoure musicale de toute beauté, portés par les standard des années 60. Pour tout ceux qui connaissent le cinéma de Wright, la musique a une place prépondérante dans ses longs métrages. On rencontre des groupes tel que The kinks, Petula Clarke, The Who, Dusty Springfield et j’en passe.

Suspense Envoutant
La surprise arrive dans la deuxiême moitié du long où l’envers du décor prends le dessus et le rêve devient cauchemar. Le film bascule peu à peu dans le thriller horrifique tout en renvoyant un vibrant hommage au Giallo italien (dont le fier représentant est M. Dario Argento). Wright joue ainsi avec les codes du genre tout en entrainant le spectateur dans un jeu diabolique où il brouille les pistes pour mieux nous asséner avec l’ultime vérité qui fait l’effet d’une petite bombe.

Pour une fois, un cinéaste traite des thèmes d’actualité tel que le mouvement #metoo sans vraiment prendre partie mais en nous proposant une vision pas très reluisante du showbiz et qui fait toujours écho de nos jours. Emporté par un trio d’acteurs habités, la sympathique Tomasin Mackenzie (Jojo Rabbit et le récent Old), le ténébreux Matt Smith (Dr Who) et l’envoutante Anya Taylor Joy, Edgar Wright nous offre un film féministe dans l’âme tout en nous offrant une vision interessante où les victimes ne sont pas toujours ceux ou celles qu’on croient. Un discours engagé mais qui ne sacrifie jamais l’art au détriment de la politique. Tout est nuancé comme il faut, au point de satisfaire le fan de thriller, de comédie musicale, de critique sociale et de film d’horreur.
L’age de la maturité
Avec Last Night in Soho, le réalisateur de Shaun of the dead, nous offre son film le plus adulte. On sent qu’il a atteint une certaine maturité dans son approche et Soho débute une nouvelle ère dans sa carrière. Tel le héros de Baby Driver, il rends les armes pour aller jouer sur un terrain inexploré jusqu’à maintenant. Beaucoup plus incisif mais toujours teinté d’onirisme, Wright se veut beaucoup plus sur de lui et on sent le plaisir et le respect pour tout un panthéon de la culture cinématographique hollywoodienne d’une époque révolue. Alors que Baby Driver s’ancrait dans le cinéma des années 70, Last Night nage dans le psychédélisme des années 60. Une oeuvre singulière qui fait office de morceau de bravoure à découvrir en salles. Décidemment un des meilleurs qui m’a été donnée de voir cette année.
Note : 9/10
